Veillée pascale dans l’année A – 11 avril 2020
Matthieu 28, 1-10
On a posé un jour la question à Jacques Noyer, ancien évêque d’Amiens : “Il paraît que de nombreux chrétiens ne croient pas à la Résurrection de Jésus. Comment est-ce possible ?” Au milieu de sa longue réponse, il y avait ceci : “Peut-on croire que le monde serait devenu chrétien avec cette rapidité simplement parce qu’un homme serait sorti du tombeau ? Mais des histoires comme celle-là, on en racontait tous les
jours, et des plus extraordinaires. Croire en Jésus, c’était accueillir un nouveau visage de Dieu, un Dieu qui n’était pas du côté des riches, des rois et des prêtres, un Dieu qui ne figeait pas les vies sous un jugement définitif, un Dieu qui n’appelait pas à la violence mais au pardon, un Dieu qui aimait comme un Père et invitait à nous
aimer les uns les autres.”
Mon ami théologien Jean-Yves Baziou a lui-aussi une très belle annonce de résurrection : “Ce qui permet de traverser la mort, ce qui reste d’une existence et qui est sa part d’éternité, c’est la générosité dont elle a été capable. Car ce que tu auras donné de toi, même la mort ne peut pas te le ravir puisque c’est déjà donné. C’est pour cela que l’amour ne passera jamais… Nous entrons en résurrection, nous faisons résurrection, quand nous donnons du goût de vivre par l’éclat de nos yeux, par l’attention à qui n’est jamais regardé, par la prononciation d’un mot aimable à qui est dans la solitude, quand nous savons voir dans un visage abîmé quelqu’un de bien.”
Gérard Naslin, prêtre de Nantes, a mis son message de résurrection en forme de poésie :
- On a mis à mort celui qui, d’un regard, redonnait la dignité aux blessés de la vie. Alors Marie Madeleine le reconnaît lorsqu’il l’appelle par son nom. (Jean 20, 16)
- On a mis à mort celui qui avait parlé de l’amour comme d’un don. Alors Thomas le reconnaît à ses blessures, preuves du don de sa vie.
- On a mis à mort celui qui avait déclaré « bienheureux les artisans de paix ». Alors les disciples le reconnaissent à sa salutation : « la paix soit avec vous ! » ((Jean 20, 19)
- On a mis à mort celui qui avait partagé le pain. Alors deux de ses disciples le reconnaissent au geste de la fraction dans l’auberge d’Emmaüs. (Luc 24, 30-31)
La mort n’a pas eu le dernier mot. Désormais ce qui aura le dernier mot, c’est la Vie, l’Amour, la Paix, la Foi, telle est notre espérance. Autrement dit, on a fait taire Jésus, mais sa mort elle-même a été parole.
Ce sont trois annonces de la résurrection. Jean Corbineau en a raconté une toute simple lors d’une messe télévisée. Dans un village, un ancien et une jeune vacancière marchent dans la rue. En haut d’une côte, un vieux calvaire : une croix de bois et, dessus, le corps du crucifié. La jeune femme s’arrête. L’ancien croit qu’elle prie. Mais très vite la phrase lui arrive : “Qui est cet homme qui est accroché au bois ?” L’ancien comprend qu’il ne faut ni sourire ni s’étonner. Elle est d’une autre génération, voilà tout. Alors il lui dit ce qu’il sait des évangiles : “Cet homme s’appelle Jésus ; il a été arrêté alors qu’il était innocent ; on l’a forcé à porter le bois de sa croix et on l’a cloué dessus ; mais pour moi il est vivant, il est Dieu avec nous. Il a ouvert un chemin, et beaucoup le suivent.” L’ancien parlait calmement, comme dans une prière. La femme prononça un seul mot : “Merci” et poursuivit sa route. Elle venait de recevoir la première annonce chrétienne de résurrection.
Très souvent, aux célébrations d’obsèques, je fais moi-aussi une annonce de résurrection en lisant la très belle poésie de Gabriel Ringlet :
“Oui, nos mains vont disparaître … Mais nos poignées de main, mais nos signes de bonjour, mais nos gestes d’adieu, mais l’invisible chemin de nos caresses … nous n’allons pas les brûler.
Oui, nos pieds vont disparaître … Mais la foulée de nos promenades, mais l’élan de nos courses, mais le saut de nos jeux, mais le pas de nos danses et de nos rendez-vous, nous n’allons pas les noyer.
Oui, nos visages vont disparaître, et nos oreilles, et nos lèvres, et nos yeux … Mais nos sourires, mais nos écoutes, mais nos regards, mais nos baisers, nous n’allons pas les enterrer.”